Histoire du Sundgau

Vers 750, le Duché d’Alsace formé sous les derniers Mérovingiens et administré par les Etichonides, est partagé en deux comtés, le Nordgau et le Sudgau, mentionné dans le traité de Mersen (870). La limite entre les deux territoires est le Landgraben, au sud de Sélestat. Le terme de Sundgau apparaît dans les textes au XIIe siècle. Le Sundgau historique coïncide alors avec les terres des comtes de Ferrette et des Habsbourg, à l’exception de la ville de Mulhouse et de son territoire composé d’Illzach et de Modenheim. Le Sundgau géographique ne désigne qu’une région plus restreinte comprenant le pays des collines au sud de Mulhouse et allant jusqu’à la vallée de la Lucelle.

De la préhistoire à l’époque romaine

Les premiers hommes s’implantent dans le Sundgau dès 500.000 ans avant Jésus Christ. Les fouilles ont révélé des vestiges des périodes paléolithique et néolithique. L’âge du bronze correspond à des migrations de population qui incinèrent leurs morts. L’âge du fer est le mieux connu avec la station de hauteur du Britzgyberg à Illfurth, véritable cité fortifiée.

Au 1er siècle avant Jésus Christ le Sundgau est englobé dans un vaste territoire occupé par les Séquanes avec pour centre Besançon. Vers 70 avant Jésus Christ, les Séquanes pour se libérer du joug de leur voisin les Eduens, font appel à des mercenaires germains. Ceux ci, conduits par Arioviste, finissent par s’installer dans le territoire des Séquanes, qui pour les chasser font appel aux Romains. Jules César bat Arioviste en 58 avant Jésus Christ et les Romains s’installent en Alsace. Un réseau de routes très dense se met en place reprenant les chemins des Celtes. Aux bords des routes se construisent des vicus comme à Larga (ban de Friesen), Sierentz, Koestlach… La domination romaine prend fin au début du Ve siècle. Les Alamans occupent alors le Sundgau, puis les Francs suite à la victoire de Tolbiac (496). Le Sundgau est englobé dans le royaume d’Austrasie et fait partie du Duché d’Alsace. Sous les Mérovingiens, le christianisme est introduit dans le Sundgau, sous l’influence de moines irlandais. Vers 700 apparaissent les premières églises-mères dédiées à saint Martin.

Le Sundgau au Moyen-Age

Aux IXe et Xe siècles, le Duché d’Alsace fait place aux comtés du Nordgau et du Sundgau, ce dernier administré par la famille des Liutfried. Après le partage de l’empire de Charlemagne, le Sundgau connaît une période instable et voit l’autorité grandissante des chefs locaux. C’est le début de la féodalité. Le Sundgau est englobé dans le Saint Empire romain germanique sous Othon Ier.

En 1125, Frédéric, fils de Thierry Ier de Montbéliard, hérite du sud de l’Alsace et devient comte de Ferrette. Frédéric Ier (1125-1160) participe activement au gouvernement de l’Empire et lutte activement contre le paganisme en encourageant l’établissement de monastères et prieurés comme Feldbach et Saint Morand à Altkirch.

Son fils Louis (1160-1191) accompagne Frédéric Barberousse à la croisade et meurt en Palestine.

Ulrich Ier (1193-1197), fils de Louis, meurt assassiné par le comte palatin Othon de Bourgogne. Son frère Frédéric II (1197-1232) lui succède. Son règne est secoué par des violences et des guerres. Il fit enlever l’évêque de Bâle et fut durement châtié. Il est assassiné par son fils Louis le Féroce, qui sera excommunié pour son crime.

Ulrich II (1233-1275), fils de Frédéric II, répare les principales pertes de son père et vend le Sundgau en 1271 à l’évêque de Bâle qui le lui redonne en fief. Son fils Thiébaut (1275-1310) d’un esprit très guerrier, connaît beaucoup de déboires. Il s’installe au château de l’Engelbourg, à Thann.

Ulrich III (1310-1324) conquiert la vallée de Saint Amarin mais meurt sans descendant mâle. Sa fille Jeanne épouse Albert II de Habsbourg, dit le Sage et lui apporte le Sundgau en dot. Désormais le pouvoir sera loin, à Innsbruck puis à Vienne, en Autriche. Les terres d’Alsace et du Brisgau forment les  » Pays antérieurs autrichiens « , administrés depuis Ensisheim par un grand bailli.

Le Sundgau est alors divisé en quatre bailliages (Landser, Thann, Altkirch et Ferrette). Mais 135 localités sont administrées directement par les seigneurs qui les tiennent en fief des Habsbourg. Cette noblesse villageoise fait ériger de nombreux manoirs.

La population est éprouvée par les épidémies de peste de 1313 et 1349, le tremblement de terre de 1356 et plusieurs guerres (Bâlois 1354 et 1369, les Anglais 1369 et 1375, Armagnacs 1444, Soleurois et Bâlois 1445-1146, guerre des Six Deniers 1466, guerre de Souabe 1499….)

De l’art médiéval, le Sundgau conserve de nombreux clochers à bâtière, l’église octogonale d’Ottmarsheim, celle de Feldbach, le cénotaphe de saint Morand à Altkirch…

De la Renaissance à la Révolution

Le Sundgau, malgré la proximité de Mulhouse et de Bâle, n’est pas touché par la Réforme et reste fidèle à la religion de ses maîtres, les Habsbourg.

Le début du XVIe siècle, est marqué par la Guerre des Paysans ou Rustauds qui veulent conserver le  » vieux droit  » transmis oralement et n’acceptent pas le droit romain que les seigneurs souhaitent introduire. La noblesse en sort affaiblie, la communauté villageoise se trouve au maximum de sa force. De nombreuses maisons renaissances datent de cette époque (Lutter, Obermorschwiller, hôtel de ville de Ferrette…)

La Guerre de Trente Ans touche le Sundgau à la fin de 1632, avec une brutalité inouïe. Les Suédois s’emparent de Landser, Altkirch, Ferrette. Les paysans tentent de se révolter, ils sont tragiquement réprimés. La région est tour à tour occupée par les armées impériales, les mercenaires suédois, les troupes françaises. De 1637 à 1640, le Sundgau connaît la période la plus sombre de son histoire ; il en sort exsangue, ayant perdu de 30 à 80% de sa population suivant les régions.

Le conflit s’achève par les traités de Westphalie, signés à Munster et Osnabruck. En décembre 1659, le roi de France accorde à Mazarin le comté de Ferrette. La France va mener une politique de repeuplement du Sundgau en favorisant l’installation de ses sujets et d’étrangers, surtout des Suisses. La région souffre encore des guerres de Louis XIV (Frondeurs, guerre de Hollande).

Le XVIIIe siècle est une période de prospérité, marquée par le développement de l’agriculture avec l’introduction de la pomme de terre vers 1720, le début de l’industrie (forges, textile…) L’art baroque a laissé de nombreux autels dans les églises. Vers la fin du siècle, la situation économique se dégrade en raison d’une fiscalité de plus en plus lourde et d’une population trop nombreuse.

La prise de la Bastille en 1789 a un grand retentissement dans le Sundgau. De nombreux désordres éclatent à Hirsingue, Carspach, Hirtzbach, Seppois le Bas, Ferrette… On s’attaque aux maisons des juifs prêteurs d’argent. Les familles nobles émigrent, les couvents sont fermés, détruits (Lucelle). En 1790 est créé le département du Haut Rhin englobant le Sundgau, Altkirch devenant chef-lieu de district.

Le Sundgau connaît le retour à l’ordre sous le Consulat et l’Empire et reste essentiellement une terre agricole. A la fin de l’Empire, le Sundgau est envahi par les Wurtembergeois, les Badois et les Russes. Les Alliés ne quittent définitivement le Sundgau que le 11 novembre 1818.

De l’Empire à nos jours

L’agriculture se maintient comme principale activité au XIXe siècle, en se modernisant un peu. Mais l’assolement triennal reste une tradition bien ancrée. La croissance démographique est importante et alimente une forte émigration vers les industries de Mulhouse et vers le continent américain. Parmi les rares industries qui s’implantent dans le Sundgau notons les tuileries de Gilardoni (Altkirch), les poêles en faïence de la Maison Hanser, les poteries et poêles Wanner (Linsdorf), la construction de métiers à tisser de Xavier Jourdain (Altkirch), le tissage des rubans de soie de Foltzer (Tagolsheim), tissages Emanuel Lang (Waldighoffen), des brasseries (Altkirch) et des ateliers de typographie et lithographie (Altkirch, Ferrette…)

En 1824 débute la construction du canal du Rhône au Rhin qui traverse le Sundgau et en 1840, la ligne de chemin de fer Mulhouse-Saint Louis. Sous le Second Empire Bazaine construit la voie ferrée Mulhouse-Belfort.

En 1848, suite à un important mouvement antisémite (Durmenach, Altkirch, Hirsingue), les Juifs quittent peu à peu les villages sundgauviens pour les centres urbains.

La guerre de 1870-71 va rompre cinquante années de paix. Les combats commencent dans la région de Kembs, fin septembre 1870 tout le Sundgau est occupé par l’armée allemande. Après le traité de paix du 10 mai 1871, le Sundgau est annexé à l’Allemagne.

Après une période d’adaptation, le développement industriel reprend avec l’implantation de nouvelles industries. Le Sundgau s’ouvre vers le reste du département, faute de pouvoir commercer avec le Territoire de Belfort, resté français. En 1874, une ligne télégraphique relie Altkirch à Ferrette. En 1891, le chemin de fer relie ses deux villes et d’autres voies sont construites entre Dannemarie et Pfetterhouse (1910) et Blotzheim-Waldighoffen (1915). Plusieurs églises sont reconstruites (Saint Morand à Altkirch, Ballersdorf…). En cette fin de siècle, le Sundgau reste un grand producteur de céréales et de bétail de boucherie et d’élevage.

La Première Guerre mondiale s’abat surtout sur l’ouest de la région. Dès les premiers jours d’août 1914, les troupes françaises cantonnées près de Valdieu font sauter le viaduc de Dannemarie. Les combats font rage. A partir de janvier 1915, le front sundgauvien reste stationnaire. Des bombardements ont lieu dans divers villages du sud-ouest. En décembre 1915, le commandement allemand décide d’évacuer la population de nombreux villages. Leur exil durera jusqu’à la fin de l’année 1918.

Pendant l’entre-deux guerre, 56% de la population travaille dans l’agriculture, 28% dans l’industrie et 7% seulement dans le tertiaire. Quelque 200 étangs sont aménagés pour l’élevage des carpes.

La paix est de courte durée. La défaite de 1940 amène l’occupation du Sundgau par l’Allemagne. Sous un régime de terreur nazie, la population est victime de déportations, d’emprisonnements, d’exécutions et de la mobilisation forcée des hommes de 17 à 38 ans. Certains tentent de s’évader vers la Suisse. Le 19 novembre 1944, Seppois le Bas est le premier village libéré, suivi par Altkirch deux jours après. Mais les combats acharnés ne prennent fin dans la poche de la Largue que le 20 décembre.

Après guerre c’est à nouveau une période de reconstruction, la maison à colombages fait souvent place à des constructions modernes. L’agriculture se modernise lentement. Le nombre d’agriculteurs régresse d’année en année (8,5% de la population en 1975). Plus de 55% de la population travaille dans le secteur secondaire et plus de 35% dans le tertiaire, notamment en Suisse, Allemagne et Territoire de Belfort.

Mais malgré les grandes voies de communications qui le cernent, le Sundgau reste une région préservée et recherchée pour son calme et la qualité de son cadre de vie. Le tourisme commence à s’y développer.